» Où va la musique française ? « 
Enquête de Claude Chamfray
Interview d’Henri Tomasi

 

 

Les qualités fondamentales de la musique française sont-elles en voie de disparition ?

Pourquoi le seraient-elles ! Je sais bien que notre époque absurde meurt d’analyse et de cérébralité, mais il y aura toujours des « êtres libres », indifférents aux modes tapageuses et aux surenchères stupides de quelques snobs et d’une certaine presse.

Ces constantes de la musique française : clarté, logique, pondération, élégance, sont-elles menacées ?

Là, je ne suis pas entièrement d’accord, et le chauvinisme de quelques uns de mes confrères m’agace. Pourquoi la logique, la clarté, l’équilibre, seraient-ils spécifiquement français ?! Il y a des logiques – latine, nordique, asiatique, etc – qui ne sont pas les nôtres ; souvent elles nous échappent, voilà tout. Faut-il en conclure que nous détenons la vérité ? Les discussions sur les systèmes dodécaphoniques ou sériels me laissent complètement indifférent. L’absurdité y règne en maître, et je ne vois que de l’infantilisme dans ce « divertissement de vieux cadavres » pour ratés et impuissants. Seules quelques peuplades primitives (musicalement parlant) s’amusent à ces jeux. (…) En ce qui concerne la « musique concrète », elle ne relève pas de la composition musicale et n’a d’intérêt que pour certains bruitages. Par contre, l’apport des instruments électroniques peut enrichir la palette orchestrale.

Y a-t-il un danger de dépersonnalisation ?

Je ne crois pas à la standardisation de la musique en France pour les raisons exposées dans la réponse n°2. Pour moi, le danger le plus grave est la « saturation » par les moyens mécaniques, le disque et la radio.

Tous ces nouveaux moyens peuvent-ils être assimilés par le génie français ?

Il est possible que le  » génie français  » décante, assimile, ou rejette ces nouveaux moyens, – à condition de faire abstraction de cette « cérébralité » qui étouffe la musique au détriment de la sensibilité et du lyrisme.

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