Henri Tomasi est modeste. Si j’osais, je parlerais même à son sujet d’ingénuité. Une ingénuité qui s’accompagne au demeurant, parfois, d’une parfaite lucidité, mais le laisse stupéfait devant des envies sourdes ou des jalousies anonymes, qu’il ne peut comprendre parce qu’il en est incapable. Le robuste équilibre de ses dons a résisté à la double contagion, périlleuse pour le génie musical français, de la démesure germanique comme des facilités du Bel Canto. Son instinct créateur s’est défié, d’autre part, du danger que des raffinements trop subtils font courir à la musique, faite pour apporter lumière et consolation, non seulement aux élites, mais encore à la foule.
Tour à tour mystique et passionné, ou les deux ensemble – la foi en Dieu entraînant celle dans l’humanité – son inspiration méditerranéenne, qui a horreur des demi-teintes, se souvient que ce sont les tempêtes qui font les vrais marins. (…)
“C’est à la Corse, en effet, pays de mes ancêtres, que je dois une part notable et de mon inspiration et de ses colorations orchestrales. C’est ainsi qu’après Cyrnos, j’ai écrit un autre poème symphonique, Vocero, et que j’ai composé une musique de scène pour Colomba à l’Odéon”.
– Entre-temps, il y a eu pour vous la révélation de la radio… Et maintenant, à Monte-Carlo ?
“Nous sommes bien décidés, Emmanuel Bondeville et moi, à révéler des œuvres nouvelles, celles notamment, et je cite leur nom sans ordre de préséance, de Jacques Ibert, d’Honegger, de Stravinsky, Prokofiev, Florent Schmitt, Tony Aubin, Duruflé, Olivier Messiaen. Je crois à la possibilité qu’offre Monaco à la création d’un grand centre musical”.