17 juin 1970 – Clinique de Villiers-sur-Marne

 

« Mon cher Jean,

 

Me voici dans ma « résidence cardio-vasculaire », au pays de La Fontaine, qui, le pauvre, n’a jamais connu les cyprès, la mer, le ciel, et la Provence !

« La pluie sans arrêt depuis deux jours !…Pour toute contemplation (mélancolique) : un vrai chromo, avec pelouses vert-rouille, et un bois touffu aboutissant à une collinette d’une banalité helvétique. Au loin, de sombres forêts à la « Pelleas », dans une grisaille monotone, désespérante. Un ciel toujours au bord des pleurs, mon tempérament de méditerranéen s’insurge ! Prostré dans une chaise-longue, je ferme les yeux pour ne pas voir ce grand plat d’épinards écoeurant qui pénètre jusque dans ma chambre ! J’envie ceux autorisés à faire quelques pas en face du Cap Canaille, devant un paysage marin ! Tu diras encore que je suis pessimiste…C’est plutôt l’obsession de « Mare Nostrum » ! Mais quoi ?! Ciel et mer, caillasse et cyprès, plus le mistral et ses nuées dramatiques, voilà la vie ! La campagne et les forêts druidiques ne sont pas mon fort ».

 

1956

 « La Montagnette est bien loin ! Ici le froid, la brume et la neige… La Provence n’est plus qu’un mirage ! »

 

Vendredi 12 août 1966 – Ecosse

 « On continue à bouffer du hareng, du haddock et du saumon : bourratif, bouilli, sans grande saveur. Les « douches écossaisses » sont toujours quotidiennes et la Mer du Nord est d’une platitude imbécile. Même sous les orages, elle demeure impassible, – un lac ! Quand je pense aux réactions ardentes  de Mare Nostrum ou de l’Atlantique!…Ah ! notre pays (je parle de la Provence bien entendu), comme il est loin ! »

 

Juillet 1968

 « Mon amour pour la mer bretonne est légèrement refroidi… Pendant un mois j’ai attendu des tempêtes, des « gouffres » de 5 à 6 mètres, des maelstroms, – rien ! le lac de Genève ! Viva Mare Nostrum ! »

 

20 décembre 1969

 « La Provence, Marseille, les pins, la mer, les amis, les bons gueuletons, – tout cela sans moi ! Quand nous reverrons-nous ?!…Combien de fois j’évoque nos bouillabaisses cassidiennes ! Plus que jamais j’aspire à retourner dans mon pays, cela devient une obsession, et hélas, je ne vois pas comment pour l’instant ! »

 

1964

« Une calanque, la mer, un olivier, un pin tordu, un cyprès, la mer méditerranée et sa lumière, c’est cela, pour moi , la « joie parfaite » (de Saint-François). Je laisse ce pays [le Loiret] aux hyperboréens et  autres sauvages du Nord ! »

 

2 avril 1963 – Abbaye St-Michel de Frigolet

« Ce matin je suis monté sur le « pic » le plus haut (j’avais de la peine à me tenir debout dans le mistral) ; j’y ai découvert un paysage admirable, d’une beauté émouvante. Seule la nature est valable, mais sans les humains. »

 

Pâques 1963, St Michel de Frigolet, écrit de mon ermitage   

« Une synthèse après avoir lu Teilhard de Chardin »