L’Orchestre philharmonique de l’Opéra fêtait ses 50 ans…
Benito PELEGRIN – Les Chroniques de Benito Pelegrin – 30 janvier 2015
(…) Lawrence Foster, en maître de cérémonie, s’était réservé la direction du Concerto pour alto et orchestre d’Henri Tomasi (1901-1971), l’un des grands compositeurs français du XXe siècle, le grand compositeur marseillais qui n’est pas un inconnu dans ces colonnes, car je lui ai consacré nombre de pages que l’on peut retrouver ici. Composé en 1950, créé en 1951, jamais réentendu depuis, la recréation, en fait, était une véritable création, consacrée par sa diffusion par France-Musique. Autant que l’on puisse parler sérieusement d’une œuvre en première écoute où l’émotion qu’elle dégage n’engage pas forcément la réflexion de l’écoute mais le réflexe émotionnel, je dirais, laissant parler le sentiment, sans doute aiguisé par cette soirée spécialement émue, et par la connaissance, même modeste, du compositeur pacifiste, que cette œuvre de l’immédiate après-guerre est loin d’en tirer le rideau. Au contraire, elle semble en ouvrir le rideau de scène comme une ouverture tragique, théâtrale, de la tragédie humaine par des couleurs sombres et les déchirements larges comme des blessures de l’alto que la passion de Magali Demesse, soliste extraordinaire, semble autant traduire par la chaleur, la largeur, l’ampleur de ses coups d’archets, de la plainte piano frôlant le silence au forte vibrant, que par l’engagement physique de son corps tendu qui est aussi expression de la musique vécue dans la chair. La solitude de l’instrument comme une interrogation, une prière semble attendre, espérer une réponse de la transcendance de l’orchestre, une solidarité qui soudain l’enveloppe généreusement a tutti ou, parfois, l’abandonne dans une brisure du « concertino », des éclats d’harmonies explosées dans les divers pupitres, la ligne soliste tentant de reconstruire un sens : dans l’angoissante plaine du désenchantement ou du désespoir, l’alto semble se lancer dans une course à l’abîme vers un horizon qui toujours lui échappe dans l’affolement de petits motifs brefs et brisés, lancinants, oppressants, potentiellement infinis. Pauvres métaphores sans doute pour dire, en peu, le beaucoup que suscite cette œuvre singulière dans cette exceptionnelle interprétation d’une soliste engagée dirait-on corps et âme et d’un chef généreux dans sa liberté attentive. (…)